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Tiphaine VAUR, professeure d’art dramatique nous parle du théâtre à Notre-Dame du Grandchamp

Publié le 18 juin 2021 Mis à jour le 26 janvier 2023
Tiphaine Vaur
Tiphaine Vaur
Date(s)

le 21 juin 2021

Nous avons eu le plaisir de partager une Conversation avec Tiphaine VAUR, comédienne de formation. Tiphaine a joué en résidence pendant 14 ans au Théâtre Montansier de Versailles. Elle a été engagée comme professeure d’art dramatique à Notre-Dame du Grandchamp en 1996 pour lancer l’option théâtre auprès des lycéens. Elle deviendra en 2003, responsable du Festival de la création. Elle nous dit tout sur le théâtre à Grandchamp et revient sur les projets artistiques de l’année.

Comment se traduit l’enseignement des arts dramatiques à Notre-Dame du Grandchamp ?

T. Vaur : Il y a deux moyens de faire du théâtre à Notre-Dame du Grandchamp : soit en choisissant l’option théâtre si vous êtes lycéen de première ou de terminale générale et technologique, soit en intégrant la troupe de l’établissement qui est ouverte à tous les jeunes et adultes qui le souhaitent.

Quelques mots sur l’option théâtre au baccalauréat ?

T. Vaur : Pour la petite histoire, il y a 25 ans, le chef d’établissement de Notre-Dame du Grandchamp a voulu proposer aux élèves de l’enseignement général l’option théâtre. Il voulait leur permettre de présenter une option artistique au baccalauréat. Il s’est adressé directement au théâtre Montansier où ma compagnie était en résidence. En parallèle de mon activité de comédienne, j’ai donc pris en charge cette option théâtre. Très rapidement, cette option a été proposée aux lycéens de l’enseignement technologique qui a été pris en charge par deux autres enseignants, M. Bianciardi et B. de Bagneaux.

Les élèves bénéficient de 3 heures par semaine consacrées à l’expression corporelle, aux techniques vocales, à l’improvisation, à l’apprentissage d’un texte, à la découverte d’un auteur et de son œuvre et enfin au travail de la composition d’un personnage. Tous ces exercices sont fort utiles pour toute prise de parole en public, d’autant plus avec la réforme du baccalauréat général et technologique et de son « Grand oral ».

Et qu’en est-il de la troupe de l’établissement ?

T. Vaur : Historiquement la troupe a été créée pour répondre à des demandes de plus en plus nombreuses d’élèves de Seconde, frustrés de devoir attendre un an avant de monter sur les planches ou d’étudiants et certains professeurs ou personnels administratifs tentés également par l’aventure de la scène.

Il faut dire que dans l’histoire de Notre-Dame du Grandchamp, nous avions déjà vécu des expériences incroyables comme celles de "L’Odyssée du siècle" (2000) "Les noces de Cana" (2001). Des événements fédérateurs et complètement fous, lancés par des professeurs passionnés comme C. Raggenbass, A. Petit de Leudeville et R. Thimoreau, pour ne citer qu’eux !

L’idée nous est alors venue de créer une troupe ouverte à tous, jeunes et adultes. Le succès fut au rendez-vous et nous avons très vite créé une deuxième troupe afin d’accueillir sur scène le plus de monde possible. Cette année, les contraintes et la prudence nous ont poussés à ne rien entreprendre. Mais j’espère bien relancer la Troupe de Notre-Dame du Grandchamp dès la rentrée de septembre ! 

Qui peut faire du théâtre ?

T. Vaur : Mais tout le monde peut faire du théâtre !

L’option théâtre est ouverte aux élèves de première et de terminale de l’enseignement général et technologique qui le souhaitent à condition que leur emploi du temps soit compatible avec les autres options choisies. Il n’y a pas d’audition mais l’intégration se fait impérativement à partir de la première pour réaliser un vrai travail sur deux ans, indispensable pour l’aboutissement du baccalauréat.

Pour intégrer la troupe, pas besoin d’être initié. Tous celles et ceux qui le souhaitent sont les bienvenus ! On s’applique à choisir une pièce qui propose un maximum de rôles possibles, pour permettre à tous de monter sur scène. Par le théâtre, on apprend beaucoup sur soi et sur les autres.

D’ailleurs rien ne me rend plus heureuse, quand des professeurs découvrent et s’émerveillent devant leurs élèves sur scène et vice et versa !
 
Quel est l’esprit insufflé dans les cours de théâtre ?

J’insuffle tout de suite un "esprit de troupe". C’est primordial !
Un esprit de troupe c’est : on oublie son statut professionnel, pas de vouvoiement, pas de "monsieur, madame" et on se met ensemble à l’école de la scène. Avec bienveillance et générosité, on reçoit et on donne, on joue et on regarde l’autre jouer. On déclame et on écoute. On s’amuse et on amuse. On se met dans la lumière mais on se met au service, dans l’ombre. On s’implique autant sur scène que dans les coulisses. Je suis très exigeante sur ce point.
 
Comment décririez- vous votre travail ou vos méthodes ?
T. Vaur : Question méthode, je travaille toujours en quatre étapes avec les  [options théâtre]. Je passe d’abord beaucoup de temps en début d’année à connaître mes élèves pour ensuite leur trouver un personnage dans lequel ils pourront exprimer le meilleur d’eux-mêmes. Une bonne distribution fait tout. Ensuite, on travaille le texte, dans le détail. Sa compréhension fait toute l’ossature du jeu. La troisième étape est consacrée à la scénographie, c’est à dire aux déplacements des comédiens. Une fois que ces trois sous-couches sont posées, j’attaque enfin les couleurs : le jeu !

Un de mes objectifs : chaque apprenti comédien doit pouvoir trouver une aisance dans son corps. Je dois les amener à comprendre que leur corps est l’instrument de leurs émotions, à créer une unité entre l’esprit, le cœur et le corps. 

J’essaye, dans la mesure du possible en première, de les faire travailler sur un auteur classique et en terminale, sur un auteur moderne, voire contemporain. Une fois qu’ils ont été cadrés et qu’on leur a donné une colonne vertébrale, dans quelque chose qui les a contenus, ils vont pouvoir tout faire exploser l’année de terminale et ainsi s’amuser !

J’aime ce paradoxe du théâtre : on se cache derrière un personnage et dans un même temps on se met à nu en partageant des émotions très personnelles avec le public.

 
Quel ont été les projets cette année malgré la crise sanitaire ?

Malgré toutes les contraintes liées à la crise, nous avons réussi à proposer deux spectacles différents :
"Voyage d’un soir" avec les élèves de l’option théâtre de Première générale et STMG. Spectacle itinérant dans l’univers du roman de Victor Hugo "Les Misérables".
“En attendant, vivons !” avec les élèves de l’option théâtre Terminale générale et STMG. Extraits de différentes œuvres d’Anton Tchekhov.
 
Y-a-t-il eu des innovations ? Que retirez-vous de ces expériences nouvelles ?

Absolument ! Nous avons fait le choix de rassembler dans un même projet les élèves des enseignements général et technologique qui habituellement, préparent séparément leur spectacle. La tâche a été difficile avec les emplois du temps hybrides et l’alternance présentiel/distanciel. C’est compliqué de répéter derrière un écran d’ordinateur ou avec un emploi du temps différent de celui de ses camarades de troupe !

Ensuite, la vraie nouveauté a été l’idée de réaliser un spectacle itinérant en transformant les salles de classe en lieux du roman de Victor Hugo : l’auberge des Thénardier, l’infirmerie, l’atelier, le café Musain...

Cette nouvelle mise en scène nous a amenés à créer un atelier événementiel avec des élèves de terminale. Ils se sont chargés de la communication, de la logistique et de l’accueil des spectateurs avec talent et créativité. Cela me pousse à poursuivre cette expérience heureuse avec un nouveau groupe de terminales l’année prochaine. Des jeunes qui se mettent au service et s’engagent pour d’autres me remplit d’espérance et de joie.
 
Qu'est ce qui a été difficile dans votre mission cette année ? Pourquoi ?

La situation sanitaire, comme pour tous. Nous avons perdu tellement d’heures de répétition que nous avons craint à un moment de ne pas être prêts à jouer devant un public. Mais c’était sans compter la ténacité et l’enthousiasme de nos jeunes et ceux de leur professeur d’art dramatique respectif, Zachary Lebourg et Anne-Sophie Barrovecchio qui n’ont rien lâché ! On s’était promis d’aller au bout et de ne pas abandonner. Pari tenu, nous l’avons fait !
 
Comment envisagez-vous le théâtre l’année prochaine et quels sont vos projets ?

Une nouvelle équipe arrive, de nouveaux professeurs d’art dramatique : Marlène Dessalle et Claire Lacombe avec lesquelles nous nous répartirons les enseignements entre les élèves de première et terminale du lycée technologique et général. J’ai hâte de commencer à leurs côtés et de vivre avec elles une nouvelle aventure dans de nouveaux projets. Et j’espère, un retour du Festival de la Création avec ses 16 représentations à offrir au public ! 
 

Propos recueillis par Sabine Labrouste le 3 juin 2021