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Parole de Metteur en scène – Tiphaine Vaur – Festival de la Création 2020

Publié le 6 mai 2020 Mis à jour le 13 janvier 2021
Tiphaine Vaur
Tiphaine Vaur
Date(s)

le 6 mai 2020

Le Festival de la Création 2020 n’a pas eu lieu dans nos murs… Notre-Dame du Grandchamp a néanmoins souhaité donner la parole aux metteurs en scène qui font battre le cœur de cet événement culturel majeur, afin qu’ils vous livrent, sans fard et sans décor, les coulisses de leur création ; leur art de l’émotion… Rencontre.

« Il y a quelques défaites plus triomphantes que la victoire » Michel de Montaigne

Le covid aura eu raison de la 17e édition du Festival de la Création. En quelques semaines, les heures de travail, les semaines de répétitions, les mois d’efforts auront été anéantis…

Vraiment ? Je n’en suis pas si sûre ! Tant les liens qui ont été créés entre les membres de chaque troupe, tant la fougue et le progrès de chacun sont bien réels.

Le théâtre est comme une forge. On y transpire dans le secret des coulisses, on y fait fondre les impuretés, on y tord les aspérités. C’est l’art du fer et du feu. Il lui faut la flamme de la passion mais la patience lui est tout aussi nécessaire. Il s’agit de ne pas laisser la braise s’amenuiser, d’attendre la bonne couleur de chauffe et quand le métal est porté au rouge, et seulement à cet instant, il peut être façonné. Cela demande de la précision, de la maîtrise, de la douceur, pour que l’incandescence se propage.
Alors, on peut y ajuster la courbe. Peu à peu, la forme se dessine. Combien de sueur et combien de temps entre la matière première et le résultat final ? Certes, ni Le jeu de l’amour et du hasard, ni L’assemblée des femmes, ni Le marchand de Venise n’auront vu le jour à vos yeux. Mais moi, à mon humble place de forgeron, j’ai vu la beauté de ces alliages de fer, de cuivre et d’or. J’ai vu ces étincelles jaillir d’eux, ces chocs violents de matière et toutes ces couleurs allant du rouge sombre au blanc éclatant.

Et les comédiens l’ont vu aussi. Ils repartent avec ces merveilleux souvenirs. Plus forts qu’au premier jour parce qu’ils ont appris à obtenir une pointe lisse, à former une penture, à rectifier les volutes, à contrôler l’harmonie des arrondis, à réaliser une torsade.

Et ils en ont retenu l’essentiel : « c’est en forgeant que l’on devient forgeron ».

Tiphaine Vaur